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" Les mots craignent "



Tu sais, Kurt, j'ai une sale habitude : je parle avec le ciel. De là-haut, où tu nous mates, goguenard, les pieds ballants des nuages, tes sempiternels trous aux genoux, une mèche de cheveux sales près de la bouche, tu me susurres: "Les mots craignent", mais je sais que tu plaisantes. Là-haut, l'amour existe.

Regarde Courtney Love la mal nommée, ton égérie qui se pavane ici-bas tandis que votre fille Frances éprouve les joies de l'Aide Sociale à la non-enfance Américaine. Il a neigé à Seattle où les nuits ne sont pas tranquilles. Bill Gates est un "nerd " ventripotent, Douglas Coupland tire sur la ficelle de "Génération X" et toi tu joues là-haut sur ton nuage  un  cri sans fin avec nos enfants perdus . "Rape me!" (Violez moi !)

Ils chantaient tes mots, s'habillaient de hardes et tout leur était dérisoire. Ils voulaient l'Amour, ils ne voulaient rien, ils voulaient tout. Vivre dans l'instant, à l'intérieur de la musique, à poil, ensemble ou désespérément seuls. mais rien autour d'eux ne semblait leur donner espoir. Les années 90, c'était désespérément "No Future"

Tu as choisi de partir, mais comme tous les enfants perdus, tu as laissé ta trace: un journal d'ado attardé, défoncé, amoureux de la musique et fondant devant ta petite Frances . Un journal qui ne pouvait qu'être vrai : " Nous nous posons tous des questions sur l'amour et le manque d'amour et la peur de l'amour"

On te réédite aujourd'hui, on te lit, on s'interroge. Qu'avons-nous fait pour engendrer des Kurt Cobain ? Rien, Kurt, nous n'avons rien fait. c'est justement là que tu interviens:"Il est impossible de rationaliser l'âme: nous n'avons pas ce privilège"



"Journal" de kurt Cobain, réédition augmentée de 13 inédits

Editions 10-18, n° 3601