David Means joue avec le feu des âmes. Assis
dans un coin, il craque ses dernières allumettes et les balance ici ou là,
histoire d'illuminer brièvement ce grand théâtre triste et de nous pincer le
plexus. De la violence et de la mort, de l'injustice, et l'amour qui traîne,
l'amour enfui, l'amour trahi, illicite ou impossible. "La petite marchande
d'allumettes" est en Amérique, et c'est la vie des autres qu'elle brûle.
Brrr !
Eros
et Thanatos - l'amour et la mort - président à nos destins, certes, mais David
Means les ressent, les respire et les
mêle dans ce recueil de treize nouvelles, et leur goût sauvage est celui,
hélas, d'une civilisation qu'une étincelle peut embraser. Les descriptions
cliniques de l'abjection le disputent à la langueur des âmes , la violence est
un chant d'oiseau , le mystère de l'âme un mouvement de Brahms. Sensations .
impressions. Réminiscences. Means. David
Means.
Celui
qui écrit sur les stèles:"Il est mort dans la violence, mais il repose en
paix"
Cette
poésie de la mort, cette fleur carnivore se retrouve , hélas, nourrie de vérité
dans la réédition du livre de Pierre Seghers :"La Résistance et ses
poètes" Ainsi René Leynaud laisse-t-il en 1939, juste avant sa mort, des
traces de sang dans la poésie de nos vertes campagnes:
"La
guerre mutile
Les
poignets dressés
A
la brise une île
De
doux doigts tressés
Vire
et puis dérive"
Etincelles
de vie, c'est l'homme qui vous envoie vers le ciel. Souhaite-t-il , le soldat
poète, l'amour ou la mort ? Il souhaite laisser sa trace, sa parole, son âme.
Qu'il ne meure pas pour rien.
Annie
DAVID
"De petits incendies" de David
MeansEd. Albin Michel17 euros
"La
Résistance et ses poètes" de Pierre SeghersEd. Seghers30 euros
PEYRAMAURE
Appelez - la George
Appelez
- la George !
Ambigu,
c'est le terme qui vient à l'esprit à la lecture du dernier roman de Michel
Peyramaure : c'est avec beaucoup d'application et d'intérêt que celui-ci
s'attelle à la vie intime mouvementée de la prolifique George Sand.
Aurore
Dupin, Baronne Dudevant, naquit à Paris en 1804. Son talent lui permit de
porter la culotte, au sens propre comme au figuré, et d'accrocher à son tableau
de chasse un certain nombre de vedettes du milieu littéraire de l'époque. Les
plus glamour sont sans doute Alfred de Musset et Frédéric Chopin. Le premier
souffrait d'hallucinations qui sans doute,nourrissaient ses magnifiques poèmes. Aurore avait-elle "des yeux
de vache" ou les yeux de l'amour ? Leurs relations tumultueuses, à Paris
ou à Venise, avaient un goût parfois saumâtre. La fidélité n'était pas au
programme.La passion eut des retours
de flamme, mais finit par s'étouffer, non sans avoir inspiré l'un et l'autre.
Aurore
n'était pas femme à subir. Elle militait pour toutes les libertés. Elle aimait
les hommes plus jeunes, et manifestement moins forts qu'elle (et parfois les
femmes). Frédéric Chopin , de santé fragile et d'abord difficile, fut son
prochain défi. Le jeune Polonais l'attira autant par son génie virtuose que par
son apparente froideur. Elle l'emmena à Majorque. Mais la fin de Chopin,
tuberculeux, est inscrite en filigrane. il pleut sur Majorque , il pleuvra sur
Nohant.
Michel
Peyramaure s'est offert un magnifique sujet pour l'anniversaire des cinquante
ans de son premier roman (plus de 80 romans publiés !) et on sent le plaisir
qu'il y a pris. Nous aussi.
Annie
DAVID
"Les
Amants Maudits, George Sand, Musset, Chopin" de Michel PeyramaureEd. Robert Laffont21€