SatKid |
SATKID (L'enfant du samedi) Premier épisode C'est l'hiver. Sur la Nationale qui borde l'autoroute A14 surchargée, un enfant slalome en rollers entre les arbres du bas-côté, puis pile et attend sa mère, chargée d'un sac. Ses yeux se posent sur un malheureux cognassier chargé de vieux coings ridés, au bord de la voie ferrée désaffectée de la papeterie voisine . « Bouh, çà pue l'usine ! » lâche sa mère d'un air dégoûté en arrivant à sa hauteur. « Tu te rappelles, Satkid, tu dis pas à Papa que je me suis branchée avec le voisin, surtout. Y'a son cousin qui est maton ici, et çà ferait des embrouilles… » Elle est jeune, belle et fatiguée. Elle s'est mise sur son 31. T'en fais pas, Maman , je te laisserai raconter ta vie. Dis, c'est quoi, ces machins comme des pommes jaunes sur le petit arbre ? - Des coings sur un cognassier ! » Elle sourit. Satkid repart en chantant : « Cognassier, arbre à coings… » Sur le fronton de la prison, un gros écusson : « Administration Taupinentiaire » Satkid vide ses poches dans le casier à codes de l'Abri-Famille, plein comme un œuf. On distingue des tas de choses incongrues dans le casier : cailloux, canif, images, crayon, carnet, scarabée désséché, bouts de laine multicolore, photo, outils… Il ferme son casier et s'envole sur le parking slalomer, sauter sur les trottoirs, passer sous les barrières. De temps en temps, il revient à l'Abri-Famille boire un coup, titiller sa mère (C'est kankonpasse ?) Au moment où il recommence à pleuvoir, le gardien appelle : « Troisième tour ! » Ils se précipite sur son casier, où il bourre ses rollers, ferme et arrive au portique, juste à l'appel de leur nom. Le portique n'arrête pas de sonner, chacun dit : « C'est la pluie ! »et dépose sur la tablette ce qui sonne :les naïfs déposent leur portable, leur carte bleue…croyant pouvoir les passer. Certains se retrouvent en chaussettes. Une belle femme arabe enlève son foulard, et apparaît sa somptueuse chevelure. Un sémillant rappeur finit en T-Shirt. Satkid l'aurait bien passé dans la machine à rayons X. Traversée de la cour, arrivée dans le premier sas. Satkid regarde tous ses compagnons d'infortune, surtout la petite Beverly qui couvre sa maman de baisers en riant. Il aimerait être à la place de sa maman. La porte du couloir se referme. Nez collé au carreau, Satkid attend qu'apparaisse son père dans la file des prisonniers. Grands, gros , petits, fluets, chauves, jeunes, vieux…Ils sont attendus…Bruit de clés, voilà le papa de Satkid qui apparaît. C'est une armoire à glace. Satkid s'envole dans ses bras jusqu'au plafond. « Alors, le rêveur, quoi de neuf ? », puis se tourne vers sa maman rayonnante. Il les laisse se papouiller. Une fourmi passe par là. Satkid pense au fourmilier, qui avale les pauvres travailleuses avec sa langue interminable. « Dis Papa ? » Papa embrasse maman. « Moui ?» « Tu savais que l'arbre à coings s'appelle le cognassier ? » « Oui, et tu connais le portablier ? - Le portablier ? - On a çà dans la cour : c'est un arbre à portables ! Des gens balancent des portables dans la cour pour certains détenus et il y en a un qui est resté accroché à un arbre ! - Il y est encore ? - Oui, les matons ne l'ont pas encore vu ! » La conversation se poursuit au sujet du prochain match de foot, puis Maman croit utile de raconter la vie scolaire de Satkid. Ils partent ensuite sur des affaires d'avocats et du procès qui se profile. Le mot « Assises » revient dans la conversation. Bruit de clés. « Déjà ? » Effusions, tout se passe rapidement. « Allez, c'est fini pour aujourd'hui, on y va. » Satkid s'arrache des bras de son père qui repart à reculons. Un silence envahit les boxes. Satkid console sa maman qui se ressaisit un peu. Entré dans le sas d'attente de sortie. Les prisonniers vont être fouillés un à un, nus. |